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Un marché pour quoi faire ?
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Une économie maîtrisée ou la tyrannie du bazar !

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Le marché enfantin, tous y ont joué étant gamins avec passion et joie, qui en vendeurs derrière des étagères en planches, qui en artisans fabriquant des matériaux de fortune en bois ou fers récupérés, qui en tâcherons préparant des produits en boues séchées ou en végétaux ramassés, qui en fonctionnaires vérifiant les grains servant de monnaie d’échange ou le droit de place, et qui en curé venant bénir lieu, marchandises et participants.
Un jeu où chacun avait sa place, quelque chose à échanger, à apporter à la communauté, à trouver plaisir à la rencontre, à offrir ou acheter, à participer à un acte collectif librement décidé ou à râler devant les mauvais joueurs.
Car, quelques failles apparaissaient déjà à cet âge quand l’un trichait sur les poids ou les quantités, l’autre sur les prix à la baisse comme à la hausse suivant leur générosité ou leur cupidité juvénile, et certains prenaient tellement la chose au sérieux que des étagères volaient parfois avant la fin du marché, ouvrant ainsi la possibilité aux chenapans qui se prenaient au jeu de rafler sans payer…
Plus tard, devenu adulte, le vide-grenier comme les charmants marchés de Provence sont des aventures qui passionnent les participants, mais c’est sur un autre marché plus économique et professionnel dans lequel il faut trouver surtout une place ! Et là, ce n’est plus un jeu, sinon celui de la vie avec quelques différences…

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Le marché des grands est un instrument qui met en présence des producteurs et acheteurs pour échanger leurs produits. Sa capacité à laisser s’exprimer les initiatives, sa dynamique propre basée sur l’autonomie et la grande liberté donnée aux participants, lui ont permis d’acquérir une position dominante dans les systèmes économiques. Pour peu qu’il fonctionne dans un régime démocratique, il devient une force incontestable de développement fournissant à chacun des places et ressources.
Tant que ses faiblesses sont maîtrisées, réglées, limitées. Tant qu’il ne sort pas de son rôle d’instrument. Tant que tout citoyen peut y avoir accès. Tant que la tricherie y est contenue. Tant qu’il ne touche pas à l’essentiel de la vie. Tant qu’il ne devient pas une machine à détruire la nature, à broyer les gens, à accroître les inégalités…

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➢ Un marché peut-il respecter les forêts tropicales et donc l’avenir du climat si le besoin de bois et papier est fort ?
➢ Un marché peut-il obliger une compagnie pétrolière à ne pas puiser le pétrole en mer pour éviter une catastrophe ?
➢ Un marché peut-il empêcher des millions de touristes de piétiner et dégrader des lieux remarquables s’ils sont très demandés ?
➢ Un marché peut-il éviter la vente de l’amiante surtout quand le producteur nie sa dangerosité ?
➢ Un marché peut-il offrir des prix bas quand une marge bénéficiaire libre permet de multiplier par 2, 5, 10 fois et plus sans aucune justification celui payé au producteur ?
➢ Un marché peut-il refuser de fournir du thon rouge tant qu’il en reste un à pêcher en mer ?
➢ Un marché peut-il développer un pays alors que sa population affamée est oubliée ou ignorée par la solidarité ?
➢ Un marché peut-il être gêné lorsque, profitant de vides juridiques, des entreprises pirates s’approprient les connaissances de peuples autochtones sans leur accord, à travers des brevets ?
➢ Un marché peut-il refuser de construire des villas dans un lieu inondable surtout si acheteurs, promoteurs et élus y trouvent leurs intérêts ?
➢ Un marché peut-il être efficace quand la cupidité, la tricherie, la violence, le mensonge s’y exercent sans freins ?

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En fait, un marché n’a pas de limites, de valeurs, de règles, puisque tout doit s’acheter et se vendre pour faire profit… C’est à cette condition qu’il est efficient. Mais quand il touche à des domaines sensibles, menace la santé ou la vie de personnes ou peuples, il doit être maîtrisé et connaître l’interdiction car il ne peut pas avoir de morale.
Lorsqu’il est animé par la mondialisation du chacun pour soi et par la marchandisation universalisée, il est un obstacle à l’indispensable coopération, on assiste alors aux désastres de la concurrence forcenée qui vient aiguillonner un « toujours plus contre les autres »… C’est la porte ouverte à la rapacité généralisée :
➢ Parce que le marché est incapable de viser le long terme, alors que les biens et ressources doivent impérativement être gérés dans la durée…
➢ Parce qu’il ne vise qu’à satisfaire les besoins immédiats, le plus vite possible et peu importe les conditions et les conséquences…
➢ Parce que le marché est incapable de prendre en compte les difficultés des individus qu’il élimine de l’échange ou contraint à vendre leur propre intimité pour vivre, créant un monde réservé et accessible aux nantis qui, par mauvaise habitude, ignorent la solidarité, pourtant seul moyen de ne pas le détruire…
➢ Parce que le marché est incapable de respecter les hommes ou l’environnement par sa prétention naturelle à tout transformer en marchandises, à rechercher le meilleur prix aussi loin qu’il faille le chercher, à jouer des lois et réglements pour élargir son champ d’action, à dilapider les ressources rares pour le seul profit…

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Ce formidable instrument qui se veut exemplaire dans une démocratie moderne, devient alors dangereux, surtout si l’État se désengage pour lui laisser la place. Le citoyen compte alors sur le président, entouré de ses deux-mille conseillers élyséens, qui, loin d’en renforcer le rôle, en accélère le cours et vante en plus une politique de « subprime » à l’américaine quelques mois avant qu’elle ne provoque une grave crise financière internationale !
L’état actuel de l’économie mondiale et nationale en est un effarant exemple. C’est la tyrannie du bazar où le marché est devenu un Dieu caractériel à l’humeur sacrificielle.
Pour lui avoir offert, dérégulation après dérégulation, un champ élargi sans contrainte où la concurrence dite libre et non faussée l’autorise à user et abuser de sa liberté dans toutes les directions, il peut donner la pleine mesure de ses capacités de nuisance, puisque les États le vénèrent et que les contribuables sont là pour lui faire des offrandes et payer ses dégâts.

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Le marché se retourne ainsi contre lui-même, mais afin d’échapper à sa destruction, ils imposent aux partis politiques de réagir en pompiers devant l’embrasement continu et en policiers pour contenir une populace de domestiques paupérisés. Puis, suivant la générosité de leurs militants, soit ces partis détruisent la solidarité pour dégager les sommes nécessaires au comblement de leurs dettes et entretenir le chaudron marchand, soit ils touchent aux plus hauts revenus pour maintenir un minimum de fraternité.
➢ Dans le premier cas, l’exclusion du marché pour une partie toujours plus grande de la population est assurée, obligeant celui-ci à inventer des mécanismes de plus en plus tordus pour alimenter la machine financière et maintenir le niveau de richesse de ses supporters. Pendant la crise financière 2009, le nombre de millionnaires a augmenté de 14% dans le monde et 1% de la population mondiale détient 38% de la richesse de la planète. En France, les nombres de skieurs dans les stations neigeuses ou des séjours dans les hôtels de luxe ou d’achats de produits de luxe sont restés constants pendant la dite crise, alors que le chômage et la précarité faisaient des ravages pour d’autres…
➢ Dans le deuxième cas, l’exclusion est limitée suivant l’importance des moyens disponibles et le marché est toléré en y réduisant quelques excès.

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Si le marché n’est pas modifié en profondeur dans ce qu’il peut faire ou ne pas faire, dans la façon dont il doit fonctionner, dans ce qu’il doit respecter sous peine de fermeture ou de suppression, alors le grand bazar peut continuer à produire ses effets délétères.
Et comme, pour des motifs idéologiques dits libéraux ("il faut encourager la fortune, faire en sorte que les riches puissent s’épanouir en France, les protéger avec des boucliers fiscaux et des niches fiscales"), les responsables ouvrent largement les portes à la privatisation des biens publics, tolèrent que la dignité des gens soit touchée et monnayée, offrent aux financiers l’accès à toutes les ressources, cassent non seulement les réglementations qui freinaient les tricheries mais suppriment les fonctionnaires chargés de les contrôler, abandonnent le rôle protecteur de l’État en autorisant production, science et finance à mettre sur les étals tout ce qui peut se vendre même avant que le produit ne soit testé sérieusement, le Dieu-marché va alors devenir diabolique…

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Cette économie du siècle dernier a certes fait ses preuves, et à quel prix… Mais elle ne fonctionne plus aujourd’hui, non pas par manque de volonté ou de perspective, mais parce qu’elle épuise la planète, produit le meilleur mais aussi le pire, contraint toujours des populations à la famine, pollue définitivement les espaces, pille les ressources et démontre son incapacité à faire le bonheur de tous parce qu’elle le réserve à quelques privilégiés persuadés que le bonheur n’est qu’une addition de confortables crédits, alors qu’il est une quête d’ouverture à ses semblables, éphémère dans sa durée, une joie communicative, partagée, et surtout incompatible avec le malheur des autres.

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Il faut donc réinstaurer une économie maîtrisée pour ne pas laisser se poursuivre la tyrannie du bazar.
La liste est longue de ce qu’un marché peut faire, mais celle qu’il ne devrait jamais faire est à rebâtir entièrement après un laisser-faire pernicieux qui l’autorise à s’occuper de ce qui constitue un bien collectif inaliénable :
- la nature : la terre, l’eau, l’air…,
- l’environnement : les énergies, les espaces, les végétaux, les animaux…,
- et de ce qui relève de la dignité de l’homme : la santé, l’éducation, la vieillesse… À moins de laisser détruire la nature et d’abandonner toute idée de partage et de solidarité…

GDP le 1 juillet 2010


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